Date : Vendredi 8 avril 2022,    Heure : 12h00-16h00

Lieu : Salle A (ISDR BUKAVU)     Accès : Ouvert à tous.

 Introduction : S’en sortir sans sortir ? Crises, défis sociétaux et riposte aux catastrophes – les leçons tirées de la COVID-19 en RDC

Par : Patient M. Polepole, David Mutabesha & Séraphin Kalungwe

L’avènement de la COVID-19, sa propagation et le nombre croissant des morts a amené les autorités politiques et sanitaires à édicter des mesures préventives et d’endiguement de la pandémie. La COVID-19 fut officiellement déclarée par l’OMS comme une pandémie mondiale en mars 2020, alors que les premiers cas furent déclarés plus tôt – en novembre 2019 – dans la ville de Wuhan, en Chine. De son apparition en Chine à sa déclaration comme une pandémie mondiale, la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) a provoqué une inquiétude et plus tard une panique planétaire. Passant d’une épidémie banalisée « virus chinois » à une sous-estimation d’impacts par la classe politique à travers le monde, les niveaux alarmants de propagation de COVID-19 en pleine « guerre froide économique » entre l’occident et la chine (Steinbock 2018 ; Zhao 2019 ; Kapustina et al. 2020 ; Rachman 2020), combinés à l’impréparation des systèmes de santé et politique à une telle crise sanitaire, ont conduit à une panique mondiale. Une panique due globalement à l’inefficacité réactive de tout système et/ou progrès alors existants du Global Nord au Global Sud. Cette panique s’est expliquée par différents facteurs selon qu’on se trouvait d’une région du monde à une autre. Ainsi, l’impact de la COVID-19 est à la fois façonné par les institutions sociales et politiques, les politiques publiques, les inégalités et les actions (et l’inaction) du gouvernement. La trajectoire de la COVID-19 est variée dans et entre les pays. Autant ses fardeaux pèsent de manière inégale sur différentes populations, autant les réponses des gouvernements ont divergé à travers le monde (Oberlander 2020).

La République Démocratique du Congo (RDC), n’étant pas encore complétement remise de l’épidémie d’Ebola (Bisoka 2019 ; Bisoka et al. 2021), de crises politiques ayant des répercussions sur la situation humanitaire, de droits humains et de sécurité (Perin 1961 ; Berwouts 2016 ; Sawyer 2018 ; Polepole 2021), conflits armés et massacres perpétuels dans sa région Est – de l’Ituri au Sud-Kivu en passant par le Nord-Kivu (Vlassenroot et al. 2017 ; Verweijen et al. 2019, 2020a & 2020b ; Vlassenroot et al. 2021), a rapporté le premier cas positif à la COVID-19 le 10 mars 2020. La province du Sud-Kivu est rongée par des années de guerre, la précarité, le manque criant d’infrastructures de base, de laboratoires de recherche biomédicale et un problème perpétuel de gouvernance politique, vit la crise liée à la pandémie de COVID-19 d’une manière particulière. Le peu d’infrastructures existantes sont défaillantes, les économies vulnérables aux crises, et plus de 60% de sa population présentent des très faibles niveaux en termes de revenus par personne, d’accès aux soins de santé et à  l’éducation (PNUD 2017). Dans ce contexte particulier, la gouvernance de la COVID-19 peint un tableau sombre tant au niveau national que provincial (Bashizi et al. 2021). Alors que le nombre des cas ne cessait d’augmenter au cours des premiers mois de la pandémie sur l’échiquier national, les autorités politiques et sanitaires ont multiplié des erreurs de communication – contradiction, manque de précision et rétropédalage (Polepole & Mudinga 2020). Entretemps, sur le terrain, les équipes de riposte sous-préparées se heurtaient à l’insuffisance de moyens logistique. Cette situation aggrava au passage l’émoi, la stripeur et le déni au sein de la population, ainsi que la récupération politique de la crise par les acteurs politiques de l’opposition (Polepole & Mudinga 2020 ; Mudinga et al. 2020). Toutefois, selon les statistiques officielles on compte – à la date du 15 novembre 2021 – près de cinquante-huit milles cas testés positifs au COVID-19 dont 1104 décès au sein d’une population estimée à plus de 91 millions d’âmes (OMS 2021). Ces statistiques, dans l’un des pays où le taux d’accès aux services sociaux de base est parmi les plus faibles au monde, ont contredit les discours catastrophistes qui supposaient que la COVID-19 coûterait des dizaines de millions de vies en Afrique (Bishop 2020). Parmi les nombreuses leçons à tirer depuis, est que chaque pays devrait mettre en priorité de sa politique de développement la mise en place d’infrastructures et structures renforçant sa souveraineté alimentaire, sanitaire et économique. Cette crise est ainsi vue comme une opportunité de revoir la politique de répondre à tous les besoins sociétaux. En effet, la politique, l’économie et la manière dont les crises sont gérées sont inextricablement liées (Green & Cladi 2021).

C’est dans ce cadre qu’Angaza Institute organise une conférence débat autour du thème : « COVID-19 : de la lutte contre une crise sanitaire à la guerre des rationalités dans la région de Grands Lacs d’Afrique». En effet, l’idée derrière ce thème c’est d’essayer d’élucider la complexité de la crise de la COVID-19 et la diversité de stratégies mobilisées par des populations rurales et urbaine pour faire face aux effets néfastes de cette crise, à travers des cas d’étude. Une réponse unique ne suffirait pas pour faire face à cette crise complexe. Cinq interventions sont attendues :

Thème 1. Gouvernance réelle de la crise de la COVID-19 en Afrique des Grands Lacs

Par : Anuarite Bashizi, An Ansoms, Romuald Adili Amani, Joel Baraka, Christian Chiza, Innocent Karangwa, Laurianne Mobali, Emery Mushagalusa Mudinga, David Mutabesha, Guillaume Ndayikengurutse, René-Claude Niyonkuru, Joseph Nsabimana, Aymar Nyenyezi Bisoka, Emmanuelle Piccoli.

Lors de la crise COVID-19 en Afrique, plusieurs discours contradictoires ont essayé de prédire comment le continent allait vivre la pandémie. Cet article dépasse ces discours généralisant, en adoptant une approche ethnographique dans trois pays en Afrique des Grand Lacs (Rwanda, Burundi, RDC). Nous analysons tout d’abord quelles mesures ont été prises par les gouvernements respectifs des trois pays, et par leurs autorités décentralisées. On montre comment les prescriptions internationales – telles que propagées par l’OMS – ont influencé les choix autonomes de chaque pays, même si les différences entre les pays sont immenses. Deuxièmement, nous analysons comment les mesures proclamées par les gouvernements ont été transformées dans le processus de mise en œuvre, en interaction avec les circonstances spécifiques de chaque contexte. Les autorités, tout d’abord, ont adoptés diverses stratégies dont l’assouplissement, la négociation, les arrangements ou encore la force ; tandis que les populations de leur côté ont recouru à l’acceptation, le contournement, la contestation ou la résistance. Ainsi, la recherche nous permet finalement de comprendre comment les dynamiques politiques, les résistances, les violences, les capacités locales et la résilience définissent les devenirs des politiques nationales et, par-là, leurs référentiels internationaux. De cette manière, la gestion de la pandémie liée à la COVID-19 en Afrique des Grands Lacs nous amène à enrichir les débats actuels sur cette pandémie et sur la gouvernance réelle en Afrique.

Thème 2. « Fragilisés sans être anéantis »  Paysans transfrontaliers à l’épreuve du COVID-19

Par : Lionel Bisimwa, Rene-Claude Niyonkuru, Judith Nshobole & Mudinga Emery

La région de grands lacs est souvent présentée comme l’une de plus tourmentées du continent d’Afrique. Elle désigne ici trois pays, notamment la République Démocratique du Congo (RDC), le Rwanda et le Burundi. Malgré les tensions géopolitiques et diplomatiques entre ces pays, les impératifs de la survie ne laissent pas les populations dans la fatalité et l’indifférence. Il s’observe dans la plaine de Ruzizi, de plus en plus, l’utilisation de la main d’œuvre agricole rwandaise et burundaise, l’achat et l’exploitation de champs par les paysans étrangers (rwandais et burundais), les échanges commerciaux transfrontaliers, etc. Néanmoins, depuis l’avènement de la pandémie de la COVID-19, la plupart de pays dont ceux de la région de grands lacs, ont pris des mesures fortes de riposte dont la fermeture de leur territoire, associée au strict contrôle de leurs frontières terrestres et aériennes. Ce papier explique la manière dont la crise sanitaire due au COVID-19 s’insère dans la dynamique transfrontalière entre les trois pays de la région de grands lacs. Au regard de restrictions dues à cette crise sanitaire, la collecte s’est effectuée en RDC, précisément dans la plaine de la Ruzizi. Ce site d’étude a été choisie pour sa position géographique, à cheval du Rwanda et du Burundi, d’une part et par le fait d’être le carrefour des interactions entre les paysans transfrontaliers de trois pays précités, d’autre part. Nous y avons effectué deux terrains du type socio-anthropologique. Le focus group, les entretiens individuels et en groupe ont facilité la collecte de données auprès de paysans transfrontaliers tout en tenant compte du recoupement d’informations entre divers acteurs et les différentes couches de la population.  Il s’est révélé que les mesures de riposte au COVID-19 ont accru la vulnérabilité de paysans transfrontaliers, en ce sens qu’elles ont entrainé l’asthénie des activités du secteur informel à la frontière, la rareté et la pénurie de produits agroalimentaires, la carence de la main d’œuvre étrangère, le vol de cultures et la destruction de champs appartenant aux paysans étrangers. Face à ce bouleversement, les paysans transfrontaliers en fonction de leur capacité d’accès et de mobilisation de l’un ou l’autre capital (humain, naturel, social, économique, culturel, …), ont procédé collectivement ou individuellement aux stratégies telles que la valorisation de la main d’œuvre agricole locale, la migration de la débrouillardise à la frontière vers d’autres activités, la protection des champs des paysans étrangers grâce au réseautage, ainsi que la mise en place du système de groupage. Ces résultats démontrent que le COVID-19 a perturbé les dynamiques sociales, culturelles et économiques longtemps construites et entretenues par les paysans transfrontaliers de la région de Grands Lacs. Mais, il n’a pas anéanti leur capacité de réponse vis-à-vis de ce changement brusque.

Thème 3. Défis et résilience de la femme chercheuse pendant la période de COVID-19

Par : Sylvie Bashizi &  Plamedie Bikungu

En RDC, la crise COVID-19 a imposé plusieurs mesures restrictives s’articulant sur l’instauration de l’Etat d’urgence afin d’éviter la propagation du virus. Il s’agit notamment du confinement, l’isolement, la fermeture des frontières, la restriction des échanges entre villes et campagnes, gestes barrières, et bien d’autres. Ces mesures ne sont pas restées sans conséquence sur les femmes chercheuses pour qui, la recherche empirique est un élément fondamentale dans leur métier. Pour la majorité des chercheuses, le terrain fait partie de leur vécu quotidien nonobstant les défis et autres risques sécuritaires auxquels elles font face. Cette étude pose la question de savoir comment le COVID-19 a-t-il impacté les femmes chercheuses de la RDC? Ainsi, cette étude montre trois éléments : premièrement, cette étude montre les différents défis auxquels les femmes chercheuses ont fait face, entre autres l’immersion dans la zone  d’étude, les limites épistémologiques, la  digitalisation des informations, la rupture entre certaines techniques de récolte des données, l’inaccessibilité de terrain, le mixage entre télétravail à la maison et les travaux ménager, etc.). Deuxièmement, elle montre qu’au-delà des défis, les femmes chercheuses ont adopté les stratégies de résilience, lesquelles ont permis de bravé la crise du COVID-19 avec la vie professionnelle et familiale. Enfin, cette étude montre que malgré cette crise, il y a eu des leçons apprise elle passe vis-à-vis de la recherche empirique des chercheurs de la RDC.

Thème 4. L’orpaillage en contexte de COVID-19 : le travail des enfants dans les mines, entre précarité et résilience

Par : Espoir Mugabo & Michel ZARAMBA

La littérature existante sur le travail des enfants montre  que  des dizaines de millions d’enfants sont engagés dans des formes pénibles de travail qui les privent d’enfance et portent atteinte à leur santé et parfois même à leur vie. L’exploitation minière est considérée comme l’une des  pires formes de travail des enfants. Dans les mines d’or à petite échelle, les enfants sont impliqués dans toutes les activités minières, y compris l’extraction matériaux des passages souterrains. Plusieurs auteurs  tentent d’indexer la pauvreté comme facteur de la présence des enfants dans les mines et carrières. Et des  études évoquent la posture de la précarité et montrent que, les finances à la maison, les soins à domicile et la pauvreté sont les principales raisons pour lesquelles les enfants travaillent dans les mines. A partir d’une étude de cas, notre étude a essayé de creuser à fond les motivations ayant été à la base de la forte présence des enfants dans le site minier et propose  une refonte à cette vision conventionnelle du travail des enfants. Cette recherche est qualitative, c’est pourquoi, les focus group et les entretiens semi-directifs et les observations ont été  mis à profit sur base d’un  guide d’entretien pour collecter les informations sur terrain.  Le milieu d’étude est le groupement de Luhihi en territoire de Kabare, avec une population d’étude formée des enfants de quelques chefs des ménages et des responsables des services de l’Etat dans le site minier. Les données collectées ont été soumises à l’analyse et les résultats, ont été présentés pour une publication. L’étude relève qu’au-delà des  discours de la vulnérabilité collés au  travail des enfants,  plusieurs autres facteurs les influence à travailler dans les sites miniers, et ce conformément aux dynamiques contextuelles.  Pour le cas du site minier de Luhihi, l’étude fait remarquer que  le travail d’orpaillage a constitué pour la plupart d’enfants une forme de levier adaptatif, à la suite de la crise liée au Corona Virus et bien entendu des  perturbations du secteur de l’éducation en RDC dues à la Covid-19.

Thème 5. Les mécanismes de résistance familiale face à la pénurie  alimentaire pendant la crise COVID-19

Par : Jean Paul Byamungu

Depuis la fin de l’année 2019, est confronté à la COVID-19 (Maladie à coronavirus 2019) avec comme conséquence une crise sanitaire planétaire sans précédent dans l’histoire contemporaine de l’humanité. Devenue pandémique elle est annoncée comme ennemi de toute l’humanité à la mi-mars 2020 par l’OMS. Cette crise conduit des populations à travers le monde dans une situation d’isolement voire de confinement, sans précédent. Dans les régions à faibles revus ménager et à faible politique de production alimentaire, notamment le Sud-Kivu et la ville de Bukavu ont été touchées de manière particulière. D’autant plus que les conditions d’approvisionnement et d’alimentations des populations ont été exacerbées par des pénuries alimentaires criantes associées à la volatilité de prix des denrées alimentaires. Toutefois, face à cette situation inédite, les populations ont développé des pratiques d’adaptation en vue d’atténuer les effets de la crise liée à la pandémie de COVID-19 sur leurs conditions de survie.

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