Jeudi, 19 Juin 2025
10:30-12:30
Salle MOOC (ISDR Bukavu)
Par : Benjamin MWANDULO BAGUMA, Chercheur Angaza Institute
Jérôme Andema, Artiste plasticien (JAK-Paint)
Résumé 1
Dans un contexte mondial marqué par l’intensification des effets du changement climatique – inondations, sécheresses prolongées et élévation des températures (Beniston, 2010) – les femmes des pays à faibles revenus, représentant près de 70 % de la population (Reporting, 2002), apparaissent comme particulièrement vulnérables (Sorensen et al., 2018). La ville de Bukavu, en République Démocratique du Congo, ne fait pas exception à cette dynamique, exposant davantage les femmes urbaines aux risques environnementaux. Cette recherche, fondée sur une approche qualitative, vise à analyser les perceptions différenciées du changement climatique parmi les femmes urbaines de Bukavu, tout en documentant les stratégies individuelles de résilience mises en œuvre face à ces perturbations, ainsi que les défis qui en découlent pour un avenir durable. L’étude repose sur des données recueillies à travers des entretiens semi-directifs, des groupes de discussion, des observations de terrain et une revue documentaire dans les trois communes de Bukavu. Les résultats révèlent deux grandes catégories de perception. La première regroupe les femmes qui reconnaissent les manifestations concrètes du changement climatique, telles que le retard des saisons pluvieuses, la pénurie d’eau potable (notamment celle fournie par la REGIDESO) et l’augmentation notable des températures urbaines. La seconde catégorie regroupe celles qui expriment une forme de scepticisme, voire de rejet, du concept de changement climatique. Certaines perçoivent celui-ci comme une notion importée des pays du Nord, récupérée par les ONG et les universités africaines à des fins de financement. D’autres y voient une expression de la colonialité, utilisée pour légitimer la restriction de l’accès des Africains à leurs ressources naturelles, sous couvert de conservation environnementale. Malgré cette diversité de perceptions, les femmes interrogées sont confrontées aux impacts concrets du dérèglement climatique et développent une gamme variée de stratégies de résilience. Celles-ci incluent la recherche de sources alternatives d’eau (comme le lac Kivu ou le système de récupération d’eau de pluie « Bizola »), l’adoption de pratiques sanitaires préventives (repassage du linge intime, chauffage de l’eau), l’évitement des infrastructures publiques insalubres, ou encore l’usage de technologies modernes (ventilateurs, congélateurs). Par ailleurs, certaines femmes s’impliquent dans des initiatives communautaires, telles que des programmes de reboisement ou de recyclage. Cette étude met en lumière la nécessité de reconnaître les savoirs et pratiques locaux des femmes urbaines comme leviers essentiels pour penser une résilience climatique inclusive et durable en milieu urbain africain.
Terre d’inégalités : Portraits d’une violence silencieuse
Résumé 2
Dans un contexte mondial et local marqué par la persistance des inégalités sociales, économiques et environnementales, les formes de domination se manifestent souvent dans la discrétion et l’invisibilité. Ces violences dites « silencieuses » ou « symboliques » – telles que la pauvreté normalisée, l’inégalité d’accès à la terre ou aux services publics, et la précarité institutionnellement ignorée – demeurent en grande partie absentes du débat médiatique et politique, tout en affectant profondément les corps, les trajectoires individuelles et les territoires. Dans nos sociétés, la terre devient à la fois un marqueur et un vecteur de subordination : son accès inégal, sa marchandisation, la marginalisation des populations et les conflits liés à son contrôle reflètent une violence structurelle enracinée dans les rapports de pouvoir. À partir de cette analyse critique, notre production artistique interroge la manière dont cette violence s’insinue dans les récits, les espaces et les subjectivités, tout en imaginant un horizon où les diversités – d’âge, de genre, de culture – accèdent équitablement aux ressources naturelles. Intitulée « Terre d’inégalités : portraits artistiques d’une violence silencieuse », cette œuvre propose de rendre visibles les formes diffuses de l’injustice sociale liées à l’accès à la terre. Il ne s’agit pas de parler à la place des personnes concernées, mais de créer un espace d’expression partagée où les communautés peuvent se reconnaître, se raconter et résister selon leurs propres langages. Ce projet mobilise une méthodologie participative mêlant art visuel et performance, en vue de co-construire un récit pluriel des injustices vécues. L’art y est envisagé comme un levier critique et sensible, capable de dévoiler la complexité des réalités sociales et d’ouvrir un espace politique pour une reconfiguration des rapports à la terre et aux droits collectifs.